Guérilla marketing: la publicité avec effet de surprise Comment des campagnes surprenantes peuvent susciter la plus grande attention
Pour se distinguer en tant que marque, il faut une publicité hors norme. Le guérilla marketing entre alors en jeu: il offre aux publicitaires d’innombrables possibilités pour transmettre leurs messages de manière non conventionnelle et percutante. Deux professionnels du guérilla donnent des conseils d’experts.

Imaginez que vous attendez pour traverser à un passage piéton et que vous découvrez sur le poteau du feu tricolore un autocollant avec un code QR comportant le message suivant: «Derrière ce code se cache de l’argent. Scannez-le maintenant et encaissez.» Trop beau pour être vrai? C’est précisément avec ce genre d’action de guérilla que TWINT a fait de la publicité pour son application de paiement il y a quelques années dans la ville de Zurich. L’entreprise a fait coller 50 000 autocollants avec code QR dans des endroits accessibles au public. Chaque code était chargé avec un montant compris entre 5 centimes et 25 000 francs. Le premier qui scannait le code était crédité du montant. Un grand nombre de personnes se sont mises en chasse des montants à gagner – et elles ont pu ainsi voir combien le fonctionnement du paiement sur l’application TWINT était simple.
Qu’est-ce que le guérilla marketing?
La campagne réussie de TWINT montre ce qu’est le guérilla marketing: une stratégie non conventionnelle qui mise sur des idées originales, surprenantes, distrayantes et stimulantes pour attirer l’attention du groupe cible sur la marque, faire parler de soi et déclencher une action. Les actions de guérilla peuvent aussi être présentées de manière rebelle, provocante ou spectaculaire, comme la marque Red Bull ne cesse de le montrer.
Néanmoins, elles n’ont pas besoin d’être de grande ampleur et chères – au contraire: le guérilla marketing se distingue justement par le fait qu’il fonctionne aussi avec un petit budget. Ainsi, des piétonnes et piétons se laissent interpeller par des affiches amusantes ou des affichettes à détacher sur des lampadaires. Des cyclistes sont étonnés, à leur tour, de découvrir une housse de selle de vélo affichant une marque publicitaire ou un petit cadeau dans leur porte-bagages. Et des conductrices et conducteurs peuvent être surpris de trouver des petits sacs de jute sur les rétroviseurs latéraux – remplis d’échantillons de produits à tester – ou des magnets voyants sur leur capot de voiture.
«Guérilla marketing» est un néologisme de l’expert en marketing américain Jay C. Levinson. Son manuel «Guerilla Marketing Handbook», paru en 1984, est rapidement devenu un ouvrage de référence de cette stratégie de marketing. Cette dénomination provient du terme militaire «guérilla», dont Levinson s’est inspiré. L’idée sous-jacente: les guérilleros s’organisent en petits groupes et se battent avec des tactiques non conventionnelles contre des adversaires disposant d’une organisation plus importante et plus conventionnelle.
Appliquée au marketing: les petites entreprises avec des ressources limitées – tout comme les guérilleros – doivent aussi utiliser des moyens non conventionnels, créatifs et économiques pour attirer l’attention, atteindre le groupe cible et se démarquer de la concurrence. Entre-temps, les grandes entreprises misent aussi depuis longtemps sur le guérilla marketing et complètent ainsi leurs campagnes classiques.
Objectifs du guérilla marketing
L’objectif principal du guérilla marketing est le plus souvent d’augmenter la notoriété de la marque, le positionnement ou le lancement d’un nouveau produit. L’agence zurichoise Streuplan utilise aussi cette forme de marketing pour d’autres objectifs, comme l’explique l’associé-gérant Thomas Back: «Le guérilla marketing déclenche des émotions fortes et permet à une marque de se différencier. C’est donc un instrument efficace pour fidéliser la clientèle. Mais il est aussi utile pour accroître le taux de pénétration. En effet, une action de guérilla qui ne passe pas inaperçue a toujours le potentiel de devenir virale.»
Christian Wolfer, associé de l’agence Promotion-Tools, voit aussi un attrait particulier dans la diffusion virale sur les médias sociaux, : «Les recommandations peer-to-peer permettent au message de la marque de gagner en crédibilité, et elles évitent de devoir expliquer aux consommatrices et consommateurs ce qu’ils doivent faire – la communauté s’en charge.»
Le guérilla marketing est moins adapté pour la vente directe. «Lorsque l’objectif défini par notre clientèle est la vente, je suis sceptique», explique Christian Wolfer. «Il est clair qu’à long terme, il est toujours question de vente. Cependant, avec le guérilla marketing, la vente immédiate ne marche guère. C’est dû à l’effet de surprise: lorsqu’ils sont surpris, les consommateurs ne sont pas prêts à acheter tout de suite un produit ou à commander une prestation.»
«Plus c’est osé et surprenant, mieux c’est»
Le guérilla marketing se caractérise par des actions inattendues, parfois rebelles ou même spectaculaires – pour une bonne raison: «Les consommatrices et consommateurs sont saturés. Ils ont déjà pratiquement vu tout ce qu’il y a à voir en matière de publicité et de communication. Pour les atteindre, il faut frapper plus fort: la publicité avec effet de surprise», déclare Thomas Back de l’agence Streuplan.
Pour obtenir cet effet, en plus d’une idée originale et d’une planification stratégique, une chose est essentielle: l’audace de tenter quelque chose de nouveau et d’unique et l’action, même si la réussite est incertaine: «Le guérilla marketing peut marcher du tonnerre – mais il peut aussi parfois faire un flop», explique Christian Wolfer de Promotion-Tools.
Les actions en lien avec les tendances ou l’actualité font pratiquement toujours leurs preuves. Une marque qui, par exemple, réagit rapidement et avec humour à la couverture médiatique montre qu’elle aime les plaisanteries et qu’elle est dans l’air du temps. «Le guérilla marketing peut donner un vrai coup de jeune à une marque. Plus l’action est osée et surprenante, mieux c’est», explique Thomas Back.
Notre mission en tant qu’agence est de dire à la clientèle: soyez audacieux et utilisez le guérilla marketing comme mesure principale de campagne. Ce courage me manque souvent.
Thomas Back, associé-gérant de l’agence Streuplan
Le guérilla marketing affiche aussi une nouvelle tendance: le Fake Out of Home. Cette expression désigne des scènes partagées dans les médias sociaux qui donnent l’impression d’avoir été tournées dans le monde réel – mais qui sont en fait totalement artificielles. Il s’agit de créer un effet de surprise avec un facteur élevé de partage social.
Cette forme de publicité est toutefois controversée. Tout d’abord, parce qu’on n’identifie plus la frontière entre le réel et l’illusion. Ensuite, parce que le Fake Out of Home soulève la question du degré d’authenticité encore existant d’une expérience de marque, si l’on fait uniquement comme si l’action avait eu lieu dans le monde réel.
Reste à vérifier comment les groupes cibles réagissent au Fake Out of Home. Il est clair que cette forme de publicité ouvre de tout nouveaux horizons au guérilla marketing. La créativité n’a plus de limites. En effet, les actions de guérilla ne doivent plus se dérouler sur place mais fonctionnent aussi exclusivement dans le monde numérique.
Comment les actions de guérilla sont structurées
Sur le plan dramaturgique, le guérilla marketing suit souvent une structure semblable à une histoire ou une mise en scène. Il utilise des éléments de tension et de surprise pour attirer l’attention. Il doit aiguiser la curiosité du groupe cible et lui donner envie d’en savoir plus. Si cela marche, la prochaine tâche consiste à approfondir le lien émotionnel – que ce soit par l’humour, l’irritation, la compassion ou la surprise. De telles émotions permettent que les personnes se remémorent mieux un message et qu’elles le diffusent. Enfin, l’action doit aboutir à un appel à l’action clair.
Important: dans la mesure du possible, des éléments incitant au partage de l’événement dans les médias sociaux doivent être intégrés à l’action de guérilla. Cela augmente les chances que l’action devienne virale. À son point culminant, en raison du nombre de contacts relativement faible, cela ne se produit pas sur le lieu de l’action mais dans les médias sociaux. C’est pourquoi la documentation est indispensable, selon Christian Wolfer: «Avec une action de guérilla, on gagne un grand nombre de contenus: des photos, des vidéos, des commentaires, des contenus générés par les utilisateurs, etc. Une marque peut utiliser ce matériel pour la suite de sa campagne.»
Les actions de guérilla ont un potentiel d’activation élevé: très vite, les marques dialoguent avec les consommateurs, lorsque l’action suscite un grand intérêt. Résultat: une forte implication du groupe cible.
Christian Wolfer, associé et responsable des ventes et du marketing à l’agence Promotion-Tools
Risques du guérilla marketing
Les actions de guérilla jouent parfois avec les infractions aux règles et les bris de tabous. Ainsi, certaines actions ont irrité, voire énervé, le public. Tant que ces réactions et sentiments négatifs surviennent uniquement chez les personnes externes au groupe cible, le risque de réputation pour la marque est faible. L’indignation des autres peut même créer pour le propre groupe cible une solidarité qui renforce l’identification à la marque. Le seul problème est que cela ne peut pas être prédit avec certitude.
Pour Thomas Back, le jeu calculé à la limite de ce qui est permis fait partie du guérilla marketing: «Enfreindre sciemment les règles peut servir à augmenter l’attention. Cela peut entraîner des controverses. Mais en voulant faire plaisir à tout le monde, on finit tôt ou tard par être insignifiant.» Toutefois, il y a en Suisse certaines gaffes que personne ne souhaiterait faire: «Voici ce que je recommande: ne pas toucher aux sanctuaires nationaux, ne pas remettre en question le jeu de cartes Bünzlitum, ne pas impliquer des animaux et ne pas s’afficher dans la rue», explique Thomas Back en souriant.
Chaque marque fixe elle-même ses propres limites. Cependant, lorsque l’on cherche à provoquer, il faut aussi être capable de gérer les réactions. Un élément essentiel de la gestion des risques dans les actions de guérilla marketing est l’anticipation des problèmes et réactions possibles:
Text im Accordion Element Chaque action de guérilla doit être examinée soigneusement pour voir si elle est adaptée au positionnement, aux valeurs et à l’image de la marque. À ce titre, une analyse des parties prenantes ou une analyse plus détaillée de l’environnement doivent aussi être effectuées. Les marques ayant déjà construit une image rebelle disposent d’une plus grande marge de manœuvre. À l’inverse, les entreprises dotée d’une image sérieuse ou conservatrice doivent veiller tout particulièrement à ne pas trahir la confiance du groupe cible.
Afin de réduire le risque de perte de réputation, cela vaut la peine pour chaque cas de se préparer aux éventuelles questions des médias et d’élaborer une position officielle ainsi que des réponses à toutes les questions critiques pouvant surgir. Souvent, dès la formulation, on peut encore mieux identifier et évaluer le potentiel de risque.
Les actions de guérilla évoluent souvent dans une zone juridique floue. De nombreuses entreprises ne demandent aucune autorisation. Certaines actions sont même illégales ou répréhensibles. Toute personne qui enfreint les lois ou les règlements par une action devrait au préalable évaluer les conséquences juridiques et mettre à disposition les ressources nécessaires pour pouvoir faire face à d’éventuels conflits juridiques ou supporter des pénalités. Pour la plupart des marques, toutes les actions clairement illégales sont néanmoins interdites.
Une planification méticuleuse est nécessaire
Les actions de guérilla ont souvent un effet spontané et inattendu. Mais derrière se cache généralement une planification minutieuse – même si une action est mise en œuvre dans un délai bref. Il est important notamment de bien choisir le lieu et le moment pour avoir un impact maximal. Même les frais sont prévus, par exemple les frais de personnel, de matériel et d’autorisations.
Selon Thomas Back, on sous-estime souvent combien une planification minutieuse est décisive: «La plupart des erreurs importantes se produisent lors de la phase de planification. En plus des analyses insuffisantes des groupes cibles, je remarque régulièrement que les risques sont sous-estimés et que la communication de la marque est incohérente. Certaines entreprises, par exemple, planifient leurs actions de guérilla sans aucun lien avec le reste de la communication – cela ne peut pas marcher.»
Le guérilla marketing comporte de nombreux aspects qui ne peuvent pas être entièrement contrôlés. Il faut donc pour chaque action aussi un plan B. L’action doit-elle être annulée en raison du mauvais temps? Ou bien une intervention de la police est-elle prévue? Dans ces cas, tous les membres de l’équipe doivent savoir quoi faire et quelles sont les prochaines étapes. C’est pourquoi la planification des différents scénarios vaut la peine.
Sept facteurs de succès pour le guérilla marketing
1. Créativité:
L’ingéniosité est la base d’un bon guérilla marketing. Pour développer une idée forte et un concept convaincant, il faut sortir des sentiers battus. Toutefois, une campagne spectaculaire n’apporte aucun avantage au marketing si le groupe cible ne comprend pas le message. Il faut donc toujours associer créativité et intelligibilité.
2. Unicité:
Une action de guérilla doit toujours être innovante et unique. Il ne faut en aucun cas faire un copier-coller des idées des autres. On ne recommande pas non plus de répéter ses propres actions sans au moins leur apporter une nouvelle touche créative.
3. Exclusivité:
Les campagnes de guérilla marketing sont limitées dans le temps. Ce sont des événements exclusifs: ainsi, par exemple, les événements pop-up ont un pouvoir d’attraction particulier car ils disparaissent aussitôt apparus. L’exclusivité produit un sentiment d‘urgence auprès du groupe cible. La peur de manquer quelque chose contribue à la réussite de bien des actions de guérilla.
4. Interaction:
Les actions de guérilla qui incitent les groupes cibles à participer activement créent une expérience et renforcent la fidélisation de la marque. En même temps, les chances d’avoir une grande portée augmentent car le groupe cible parle de la campagne en ligne et personnellement dans son entourage et partage ses impressions sous forme de photos et vidéos. Avec une bonne planification de la distribution, l’implication précoce d’influenceurs et un peu de chance, l’action devient virale.
5. Multisensorialité:
Les actions de guérilla sont idéales pour faire appel à plusieurs sens, créer des émotions et, ainsi, ancrer durablement le message publicitaire. Les odeurs, la musique, les photos, les objets, la lumière et plus encore sont des éléments idéaux.
6. Intégration cross-média:
Un guérilla marketing réussi associe les éléments de campagne physiques et numériques. En effet, une action de guérilla n’exploite pleinement son potentiel que si elle est documentée et rendue visible dans les médias sociaux. Les médias physiques, à leur tour, constituent une amorce idéale préalablement à l’action ou pour déclencher une action par la suite – un peu comme avec un flyer avec un code QR. Une communication de la marque cohérente sur tous les canaux est donc nécessaire.
7. Travail médiatique:
Les médias classiques restent un multiplicateur puissant. C’est pourquoi les entreprises doivent veiller activement, lors des actions de guérilla, à ce que les rédactions aient vent de ces actions, notamment grâce un contenu approprié dans les médias sociaux. Si l’action est suffisamment extraordinaire – c’est-à-dire qu’elle a une haute valeur informative – les représentants des médias n’hésiteront pas à en parler.